Petit Condensé de Réflexion Jazzistique (sans sucre !)

Vous voulez une autobiographie qui fait réfléchir ? Lisez « Really the Blues »¹ de Mezz Mezzrow. Le clarinettiste y présente sa vision du jazz.

Le « vrai » jazz

Mezz Mezzrow était un avant-gardiste. Ce juif d’origine russe, amoureux du peuple noir, a été l’un des premiers à créer un groupe mixte. Un pari audacieux en 1934. En réponse au succès de ce groupe, une énorme croix gammée sera taguée sur les murs du club, signant la fin de cette odyssée. Mais l’initiative lui a valu, et c’est l’essentiel, d’entrer dans l’histoire du Jazz » et de participer à briser les barrières raciales. Paradoxalement, Mezz Mezzrow était aussi un immobiliste : pour lui, le blues et le jazz « New Orleans » formaient l’unique « vrai » Jazz, parce qu’ils en sont la racine ! 

La source d’un art est-elle sa meilleure expression ?

Selon Mezz Mezzrow, les big bands, le Bop, le jazz binaire, sont des sentiers de perdition. Le nouveau rôle attribué au piano, les accords complexes, les formules rythmiques élaborées, les improvisations mettant un instrumentiste « en avant » sont une méprise artistique. Il n’est pas isolé. Nombreux sont, dans tous les arts, les défenseurs d’une académie normative. Beaucoup ont rejeté les premiers boppers. Duke Ellington² aurait dit que jouer du be bop revenait à « jouer au Scrabble sans les voyelles » ! Encore aujourd’hui, le « vrai »Jazz s’arrête pour certains aux années 40. La musique doit pourtant s’adapter aux changements de la société, rester ouverte aux techniques et aux autres arts, dans une adéquate mesure. Elle est comme un organisme vivant s’adaptant à son milieu. En cela, il est impossible de figer un courant artistique. Son évolution est irrépressible.

Évoluer, oui ; se galvauder, non…..

Le conservatisme de Mezz Mezzrow est une impasse, mais nous partageons néanmoins la crainte qui l’accompagne. Trop de productions musicales sont abusivement estampillées « Jazz ». La programmation de certains festivals « de jazz » fait peur. La pression commerciale a dilué, glamourisé,« popisé » le Jazz. Le mot « Jazz » est utilisé à tort et à travers. Il est d’ailleurs de plus en plus indéfinissable et le public ne sait plus très bien ce que c’est. Revenir à ses racines permet de se réimprégner de son essence, pour explorer ensuite des voies plus actuelles. Le Jazz a été créé dans un contexte particulier. Il a été (et doit rester) un manifeste d’indépendance, d’insoumission et de fraternité entre les peuples ; une musique libre, à l’écriture souple, laissant large place à l’improvisation ; un langage universel que l’on peut jouer de Paris à New York, en passant par Bab El Oued. Espérons.

 1 Disponible en français sous le titre « La Rage de vivre ».
Duke Ellington « Music Is My Mistress », Slatkine, préface de Claude Carrière 

 

Ecrit par Yael Angel

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