Imaginez un morceau de musique qui serait un point de convergence de diverses existences. Quelle vision originale ! Les paroles de You Go To My Head, standard signé par John Frederick Coots et Haven Gillespie, ne sont pas d’une facture exceptionnelle, loin de là. Mais le morceau a joué un rôle dans la vie de deux artistes majeurs du XXe siècle : le trompettiste et chanteur Chet Baker et l’écrivain Jack Kerouac.
C’est ce qu’Yves Buin nous explique, dans sa maison d’écrivain nichée au cœur d’un village francilien. Ce psychiatre passionné de Jazz est notamment l’auteur de la première biographie musicale au monde de Thelonious Monk, publiée en 1988, ainsi que du seul livre consacré au saxophoniste Barney Wilen, paru en 2002.
Pour Yves, la meilleure version de You Go To My Head est celle que Chet donna au Café Montmartre de Copenhague en 1985, justement l’année où le compositeur du morceau est décédé. Chet est alors très mal en point et il ne lui reste que trois ans à vivre.
Jack Kerouac et Chet Baker ont eu des vies ressemblantes à plusieurs égards : ils vivaient à 100 à l’heure, étaient beaux gosses, mais toujours malheureux en amour, noyaient leur mal être dans les drogues et l’alcool et adoraient le jazz, dont ils étaient des poètes hypersensibles. You Go To My Head est un morceau « fait » pour eux.
« Quand Chet Baker chante, il est dans la pure émotion et montre sa réelle nature psychique, alors qu’il est souvent présenté comme un loubard. En fait, quand il chante, il fait voir sa fragilité mentale, au bon sens du terme. Le morceau parle de passion, de coup de foudre, de sensation de perdre la tête, d’alcool. You Go To My Head est un morceau pour Chet, comme l’est My Funny Valentine. Et c’est aussi le morceau préféré de Jack Kerouac » (Yves Buin).
TU ME MONTES À LA TÊTE
Tu me montes à la tête
Et tu y restes comme un refrain qui me hante
Et je m’aperçois que tu tournoies dans mon cerveau
Comme des bulles dans un verre de champagne
Tu me montes à la tête
Comme une gorgée de Bourgogne pétillant
Et la seule évocation de toi
Me sonne comme une double dose de Bourbon
Le frisson que j’ai à l’idée
Que tu pourrais considérer
Ma plainte m’ensorcelle
Pourtant je me dis
Ressaisis-toi
Ne vois-tu pas que cela ne sera jamais ?
Tu me montes à la tête
Avec un sourire qui fait monter ma température
Comme un été avec des milliers de juillet
Tu intoxiques mon âme avec tes yeux
Bien que je sois certaine que mon coeur
N’a pas l’ombre d’une chance
Dans cet amour fou
Tu me montes à la tête.