De la petite salle des fêtes de Ouidah (Bénin) au Carnegie Hall de New York et de l’Olympia parisien, la voix d’Angélique Kidjo a su résonner si fort qu’elle s’est posée aux quatre coins de la planète. Ajouté à son engagement civique et politique, elle a suivi les traces de Myriam Makeba luttant pour l’émancipation de la jeunesse africaine. Sans barrières, sans frontières musicales, elle s’est produite aux côtés d‘Ibrahim Maalouf et l’Orchestre de Cannes Provence Alpes Côte d’Azur au Festival de jazz d’Antibes Juan les Pins le 20 juillet 2018.
Ambassadrice de l’Unicef, du Rotary International, multi nominée aux Grammy Awards, diva africaine, mais toujours a la recherche des musiques traditionnelles, il manquait à cette quête culturelle les sons d’un autre ambassadeur musical, celui du Moyen-Orient, Ibrahim Maalouf. Angélique Kidjo… je l’avais rencontré à New York, on a commencé à réfléchir et quel lien pouvait exister entre l’Orient et l’Afrique, on s’est dit qu’il pouvait être le mythe de la Reine de Saba… elle vient d’Afrique et elle rencontre le Roi Salomon... pour que le roi puisse prouver sa sagesse elle lui pose des énigmes… on a travaillé dans ce sens, vous serez surpris.
Jean Pierre Lamouroux : parlez-moi de votre ouvrage, « La Voix est le Miroir de l’Âme ».
Angélique Kidjo : quand on a compris le processus mécanique de la voix on comprend que chanter ça vient aussi d’un autre endroit, par exemple vous vous cognez, le cri est lié à la douleur que vous ressentez et quand on chante en espérant écrire une chanson on est possédé, on la torture, elle se construit, se déconstruit, chaque note raconte cette création et ce qui sort par la voix c’est votre âme qui parle.
JPL : Votre répertoire est si vaste qu’il est difficile de vous classer dans un genre particulier, qu’en est-il ?
Angélique Kidjo : Je n’ai jamais mis une étiquette sur la musique, on aime où on n’aime pas, tout ça part de nos ancêtres, de la musique traditionnelle comme celle de l’Afrique et de la période de l’esclavage, si on parle du blues par exemple on le déconstruit pour d’autres musiques, vous savez il n’y a pas de pop africaine, américaine où européenne, il y a la pop mondiale, ma mère me disait que le monde ne s’arrête pas au portail de la maison.
JPL : Vous chantez en plusieurs langues et dialectes africains, dites-moi deux mots sur cette technique vocale qu’est le Zilin ?
Angélique Kidjo : C’est un rythme, il vient d’Angouma, c’est la danse des amazones, il est contradictoire avec les guerrières qu’elles sont, car c’est une danse très sensuelle, mais en même temps c’est un signe de détermination.
JPL : Vous rendez souvent hommage à Myriam Makéba et Célia Cruz qui ont su évoquer par des textes très forts le combat pour l’émancipation des Africains, est-ce toujours un combat ?
Angélique Kidjo : Oui, oui, c’est normal, en Afrique encore aujourd’hui on ne vit pas, on survit, quand on sait que ce continent est le plus pauvre du monde alors qu’il est très riche, je n’ai pas encore trouvé l’économiste qui puisse m’expliquer cela, on n’a commis aucun crime, on n’a rien fait de mal, on n’a pas choisi de naître en Afrique, alors ? Coté musical avec Myriam Makéba, ça me rappelle parfois mon adolescence quand je chantais avec mon groupe Les Sphinx, un de ses tubes Les Trois Z.
Engagée sur tous les fronts, la Dame de la Paix qui était sur la scène de la Pinède Gould à Jazz à Juan les Pins et aussi celle qui l’an dernier au Festival d’Avignon avait créé le spectacle »Femme noire » en hommage à un autre ambassadeur de la paix, Léopold Sadar Senghor. Du jazz aux musiques du monde, de la pop aux rythmes de l’Amérique du Sud « la Voix de Velours » n’a pas fini son beau voyage surtout quand on a un nom et un prénom en 7 mots qui traduit, veut dire « le sang d’une lanterne ne peut allumer une flammèche ».